La conférence « Former pour le futur » qui s’est tenue en trois langues était co-organisée par l’Académie suisse des sciences techniques (SATW) et le Service de promotion de l’éducation de l’EPFL. Plus de 200 enseignant·e·s et formateur·rice·s tous niveaux confondus, conseiller·ère·s en orientation et personnes œuvrant en faveur de la promotion de la relève dans les formations MINT ont participé à cette conférence organisée le samedi 23 septembre, par une belle journée ensoleillée.
Dans son discours introductif, Prof. Kathryn Hess Bellwald, professeure et vice-présidente associée pour les affaires estudiantines et l’outreach à l’EPFL, a déclaré : « L’évolution de la formation de nos étudiant·e·s fait constamment l’objet de réflexions et de discussions à l’EPFL. L’EPFL doit former des ingénieur·e·s et des scientifiques qui non seulement excellent sur le plan technique mais qui soient également disposé·e·s à assumer un rôle d’exemple en tant que citoyen·ne·s. Ils·elles doivent avoir conscience de leur responsabilité et être prêt·e·s à apporter une contribution à la société. Il faut pour cela qu’ils·elles soient bien armé·e·s. » Pour Prof. Benoît Dubuis, président de la SATW, « l’avenir et la compétitivité de l’industrie suisse se décident aujourd’hui dans la formation de nos jeunes. L’Académie suisse des sciences techniques s’engage en ce sens, en réunissant tous les acteurs nationaux sous un double objectif : identifier les tendances et proposer des mesures concrètes pour préparer les jeunes générations au monde de demain. »
Si nous voulons relever les défis à venir, il est indispensable d’exploiter au mieux le potentiel de chacun·e, et notamment des filles ainsi que des enfants et des jeunes avec un accès restreint à l’éducation. À ce sujet, l’oratrice principale, Dr. Elpida Makrygianni, directrice de l’Education Engagement à la Faculté des sciences de l’ingénierie de l’University College London, a conçu avec son équipe des programmes innovants et couronnés de succès, dans le cadre de l’initiative « 50:50 Engagement Strategy » mise en place en Grande-Bretagne et qui a permis d’augmenter la diversité dans les métiers de l’ingénierie de 17 % à 70 %.
Dr. Elpida Makrygianni a clairement souligné ce qu’il fallait faire pour que les enfants et les jeunes, indépendamment de leur sexe, leur couleur de peau, leur orientation sexuelle et de leur origine socio-économique, puissent se former dans les disciplines MINT et accéder à un métier de l’ingénierie : tout d’abord, il convient de renouveler l’image du métier d’ingénieur·e et de ses multiples domaines d’intervention, car bon nombre de barrières naissent d’une conception erronée de ce que font les·ingénieur·e·s et de qui peut endosser ce métier. Les nouveaux concepts du métier d’ingénieur·e doivent ensuite être introduits le plus tôt possible dans les écoles et ancrés de l’école primaire jusqu’à l’enseignement supérieur. Les interlocuteur·rice·s et les espaces sûrs (safe spaces) destinés aux filles et aux personnes défavorisées auront un rôle essentiel à jouer, car très souvent les problèmes majeurs rencontrés par ces dernières ne sont pas de nature académique mais viennent généralement du contexte socio-économique et culturel des enfants et des jeunes.
Dr. Elpida Makrygianni a également souligné le fait que la réussite des projets à venir reposera essentiellement sur l’évaluation continue d’une part, et d’autre part sur la collaboration de tous les acteurs tels que les écoles, la politique de la formation, les lieux d’apprentissage extrascolaires, l’industrie et les associations professionnelles.
D'autres aspects importants pour le monde professionnel de demain ont été abordés dans de brefs exposés :
Klara Sokol, directrice du Centre de compétences national éducation21 (Éducation en vue d’un Développement Durable), a expliqué l’importance de la transmission de compétences transversales, c’est-à-dire interdisciplinaires, pour permettre une transformation de la société. Mais elle a également reconnu que la finalité de l’éducation, les moyens appropriés et leur opérationnalisation ne peuvent pas être définis une fois pour toutes, en raison d’urgences écologiques et sociales qui changent quotidiennement ou presque, mais qu’ils sont redéfinis en permanence. La finalité de l’éducation doit être négociée politiquement et juridiquement, la structure pédagogique et didactique adaptée aux besoins des apprenant·e·s et la science popularisée. À nouveau, la collaboration de l’ensemble des acteurs impliqués est nécessaire.
Hannes Gassert, co-fondateur de l’agence numérique suisse Liip, s’est penché sur la question de la structure organisationnelle (holacratique) basée sur l’auto-organisation, que Liip a été la première en Suisse à vivre depuis sa création. Dans une organisation holacratique, les hiérarchies n’existent pas. Les rôles sont attribués en fonction des compétences des collaborateur·rice·s. Les décisions ne viennent pas d’en haut mais sont prises par consentement avec l’ensemble des parties concernées, et toutes les parties prenantes sont responsables, pour leur domaine, des conséquences des décisions prises. Cela a pour effet d’accroître l’agilité et la capacité de réaction d’une organisation, de renforcer la motivation et la responsabilité individuelle des collaborateur·rice·s, et d’avoir un effet positif sur la qualité des résultats. Par ailleurs, Liip a été plusieurs fois récompensée pour son modèle d’entreprise. L’agence soutient et conseille des organisations actives dans les domaines de l’industrie et de l’administration afin de les aider à mettre en œuvre ce système dans leur entreprise.
Pour Marcel Salathé, professeur et directeur du laboratoire d’épidémiologie digitale à l’EPFL, l’intelligence artificielle (IA), et notamment l’IA générative, jouera un rôle majeur dans la formation et le monde professionnel de demain. Alors que les institutions de formation, notamment, ont encore du mal avec cette nouvelle technologie, Marcel Salathé appelle à ne pas se fermer à cette évolution mais à davantage l’utiliser comme nouvel outil, de manière ciblée et judicieuse. L’IA ne vas pas seulement permettre de simplifier, d’accélérer et d’améliorer l’exécution de nombreuses tâches, elle va également permettre de personnaliser l’éducation, et elle pourrait même, comme l’a montré Marcel Salathé à l’aide d’une étude, réduire le fossé des performances entre les équipes constituées de professionnel·le·s hautement spécialisé·e·s et ceux·celles moins spécialisé·e·s.
Ce qui a été exposé jusqu’ici montre qu’une dynamique doit être mise en place dans le domaine de la formation. Or, pour Susanne Hardmeier, secrétaire générale de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP), la politique de la formation est davantage marquée par la stabilité. Le rôle de cette dernière devrait être notamment d’exploiter, de manière productive et au profit des apprenant·e·s et de la société, l’abondance des données résultant de la conséquence des processus de numérisation, d’adapter les plans d’études et de créer des filières de formation ouvertes et diversifiées.
Dans son intervention, Susanne Hardmeier, a subdivisé l’école en trois domaines : 1. l’individu, 2. l’espace, le monde du mouvement (y compris numérique) et 3. les contenus et les compétences transmises. Dans le plan de « l’individu », les enseignant·e·s occupent une place centrale dans la transmission des compétences spécialisées, mais également dans la recherche d’approches pédagogiques innovantes qu’ils·elles doivent tester et mettre en place, ce qui nécessite une formation continue permanente. Sur ce point, des actions et un véritable changement culturel sont nécessaires. Il faudrait que les hautes écoles pédagogiques accompagnent ce changement et aident les enseignant·e·s à devenir de véritables animateur·rice·s et conseiller·ère·s, à développer et tester de nouveaux concepts, et à recourir à des outils lorsque cela est pertinent.
Le panel d’intervenant·e·s, dirigé d’une main de maître par Mirko Bischofberger dans les trois langues, a fait la synthèse des principales conclusions et montré où le bât blesse : pour relever les immenses défis d’un monde en constante mutation, nos enfants et nos jeunes devront acquérir des compétences transversales qui leur permettront d’appliquer leurs connaissances pour résoudre de nouvelles problématiques et surmonter de nouveaux problèmes. En même temps, il faudra que les structures au sein de l’industrie et de l’administration, mais également au sein de l’école, gagnent en flexibilité et en souplesse. Ces objectifs ne pourront être atteints qu’avec la collaboration de l’ensemble des acteurs. Pour cela, la compréhension mutuelle et les différentes conditions et missions des multiples acteurs seront tout aussi nécessaires que la prise en compte des besoins des apprenant·e·s, de l’économie, de l’industrie, et de la société. Les enseignant·e·s ont ici un rôle central à jouer ; ils·elles doivent être formé·e·s de manière à dépasser leur rôle traditionnel d’enseignant·e·s et assumer également le rôle de coach, de conseiller·ère·s. La grande question soulevée par l’assistance, à savoir où les enseignant·e·s vont ils·elles trouver les ressources nécessaires pour cela, en plus de toutes leurs autres tâches administratives, de coordination, de communication et d’intégration, reste néanmoins en suspens. Ce qu’il faut toutefois retenir malgré les défis complexes à venir, Marcel Salathé le résume en un message à nos enfants : sors et va t’amuser !
Au cours de l’après-midi, la SATW et l’EPFL ont invité les participant·e·s à des ateliers afin d’approfondir leurs connaissances et de s’autotester. Ces ateliers font partie intégrante des colloques sur la promotion de la relève organisés par la SATW et sont très populaires. Cette année encore, les participant·e·s ont apprécié le mélange entre pratique et théorie.