Pierre Vandergheynst, vice-président pour l’éducation de l'EPFL, ainsi que Eric Fumeaux, vice-président de la SATW, ont tenu tous deux à rappeler les enjeux de ce colloque : la digitalisation est un levier fondamental de l’évolution sociale. La question est large: dans une époque marquée par le développement de l’économie numérique, quelles nouvelles exigences s'appliquent aux élèves et aux enseignants?
Stefan Kölliker, Conseiller d’Etat et chef du département de la formation du canton de Saint-Gall, a rappelé que la numérisation est une chance pour la formation et ne doit pas être réduite à une simple évolution technique. Elle représente en effet un véritable changement de paradigme et impacte tous les pans de la société. Ainsi, chaque enseignant doit être prêt pour le tournant digital. Il a présenté la stratégie de son canton en matière d’éducation, qui va du jardin d’enfants à l'enseignement supérieur. L’objectif n’est pas que chaque enfant obtienne une tablette mais bien qu’il acquière les compétences pour naviguer au sein des nouvelles technologies. Près de 75 millions de CHF ont déjà été investis dans différents programmes. Stefan Kölliker insiste sur la nécessité de travailler dans la durée : les programmes pour le degré secondaire seront par exemple articulés sur huit ans. Il s’agit également de faire le lien entre l’enseignement et les attentes de l’économie et du marché du travail. A ce titre, un cursus d’ingénieur est en cours de création au sein de la HSG.
Cesla Amarelle, conseillère d’Etat du canton de Vaud, a rappelé que le plan d’études romands est en cours de révision afin d'intégrer au mieux la formation au numérique. Lors du projet pilote mené en 2019 sur 12 établissements et plus de 8'000 élèves, 97% des enseignants ont été sensibilisés à la thématique et plus de 2000 activités organisées. Le programme prévoit que les enseignants disposent de toutes les compétences nuémériques requises tandis que les élèves seront initiés à la pensée computationnelle. Les enjeux sont nombreux : il s’agit de réduire la fracture numérique, préparer les citoyens de demain à s'impliquer dans un monde marqué par la numérisation, favoriser l’égalité des chances et promouvoir les compétences interdisciplinaires. L’investissement de 30 millions de CHF pour la période 2020-2022 a déjà été validé par le Grand Conseil vaudois. Deux-tiers du budget concernent la formation continue des enseignants. Le dernier tiers est alloué à la mise à niveau de l’informatique pédagogique et des équipements.
Arja-Sisko Holappa, conseillère en éducation à l’Agence nationale finlandaise pour l’Education a expliqué que la clef d’un système éducatif qui fonctionne, c’est d’impliquer tous les professionnels dans la définition des programmes et d’aborder ces questions collégialement. Depuis 2016 en Finlande, la réflexion est notamment portée sur l’acquisition des compétences transversales et sur la capacité des élèves à comprendre, interpréter et évaluer différents types de contenus (« multiliteracy »). La numérisation s'intègre dans cette approche, sans être enseignée comme un branche à part entière. Selon Madame Holappa, "L'éducation ne doit pas seulement s'adapter à un monde en mutation. Elle est aussi un puissant moteur pour changer le monde". Si des investissements importants ont été consentis dans des projets d’infrastructure, ceux-ci n’ont souvent pas donné les résultats escomptés. Ce qui a le mieux fonctionné, c’est l’implication des enseignants et les échanges entre professionnels.
Trois présentations courtes ont permis d’appréhender la problématique à travers différentes perspectives. Gregory Durand, président de la Société Pédagogique Vaudoise a rappelé que le rôle de l’enseignant est d’accompagner l’élève dans son apprentissage. Le numérique doit être pensé de manière transversale et ne doit pas être au centre de l’action pédagogique. Olivier Crouzet, directeur pédagogique de l’Ecole 42, a présenté un modèle éducatif innovant : une école d’informatique accessible sans limite d’âge et sans prérequis, sans professeurs et sans cours, qui favorise une approche de peer-learning et d’apprentissage par projets. Son objectif est clair : contribuer à résoudre le problème de manque de relève dans les métiers du numérique. Des besoins importants, comme l’a démontré Roger Wehrli, responsable suppléant politique économique générale et formation chez economiesuisse. Selon lui, le futur marché du travail favorisera évidemment des compétences MINT étendues mais il n’oubliera pas les « soft-skills » et les compétences de base, sans compter la capacité de se former tout au long de la vie, désormais centrale pour pouvoir s’adapter à un contexte économie toujours en évolution.
Animée par Francesco Mondada, directeur du centre LEARN et membre de la SATW, la table ronde s’oriente rapidement vers la problématique de la promotion de la relève féminine dans la tech. Combien de femmes étudient à l’Ecole 42 ? La proportion est d’environ 15%, avec un objectif clair d'augmenter ce pourcentage. L’arrivée à la tête de l'école de Sophie Viger voilà un an et demi a permis de travailler sur la problématique, la nouvelle directrice disposant en effet d’un réseau important dans l'écosystème technologique. Selon les participants à la discussion, il s’agit de contrer le biais culturel en communiquant auprès du jeune public ainsi que de faire passer le message dans l’environnement professionnel. Les opportunités que représentent le numérique sont souvent mal connues des jeunes filles au moment du choix d’études, indique Roger Wehrli.
L’après-midi était dédié aux ateliers pratiques et aux visites. Les visites du Swiss EdTech Collider et les Discovery Learning Labs de l’EPFL ont permis aux parti-cipants de découvrir ces structures actives dans l’éducation numérique et qui travaillent sur les outils de l’éducation digitale de demain. Les ateliers en petits groupes ont permis d’échanger les bonnes pratiques en se plongeant dans des cas concrets: l’application d’aide à l’apprentissage « Learning Companion », le Coding Club des filles du Service de promotion des sciences de l’EPFL, les TecDays de la SATW, les projet du centre CRE/ATE de la HEP Fribourg, le programme de recherche national 75 « Big Data » et enfin #bepog, une initiative de la Fondation Arc Jurassien Industrie. La journée a été un véritable succès et a permis aux participants de repartir avec des retours d’expériences concrets et de nouvelles inspirations concernant l’école à l’ère du numérique.
Pour toutes questions relatives au colloque, merci de contacter Alexandre Luyet, responsable suisse romande à la SATW ou Sabrina Rami Shojaei, Cheffe du Service de Promotion de l'Education de l'EPFL.
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Photos: Copyright EPFL - Alain Herzog, 2020